Pour introduire les mésaventures d'Alice...

Publié le par Ch.L, Créactifs

Chebaux Françoise, La Pensée unique à l’Université, Alice au pays des ténèbres, Paris éd L’Harmattan, collection Educations et Sociétés, 2010, 216 p. Préface de Gérard Lurol, postface de Laurent Cornaz.

 

Françoise Chebaux est Maître de conférences HDR en Sciences de l’Education. Elle présente ici un ouvrage aux confins du conte pour adultes et de l’analyse institutionnelle, celui-là étant mis avec bonheur au service de celle-ci.

 

L’histoire à laquelle se trouve confrontée son Alice, fillette conteuse et aventurière, inspirée par sa voix intérieure Lolo le Magnifique ( celle de l’auteure) est finalement simple : une injonction bureaucratique particulière puisque dans le cadre d’un Institut Catholique cumulant un système de double contrainte : académique et ecclésiale, -ce dont ces établissements ne sont pas en mesure de sortir tant les régimes d’allégeance sont forts-, en vient à priver de droit à la pensée libre non seulement des enseignants et directeurs d’unité mais, au plus haut niveau, le Recteur lui-même (Le Lapin Blanc, Maître des chœurs démis). L’ouvrage nous raconte avec un humour qui accomplit sans doute pour l’auteure une fonction cathartique, puisqu’elle fut impliquée en tant qu’acteur majeur et victime dans les procédures inquisitoriales qu’elle décrit. Elle lui permet de fait une mise à distance en même temps qu’elle nous enseigne sur le poids des institutions dominantes et dominatrices ici cumulées et l’incapacité de certains acteurs pourtant voués à l’éducation, et ce, dés qu’ils sont pourvus dune fonction hiérarchique, à résister aux injonctions institutionnelles.

Le parcours d’Alice imaginé à partir d’un scénario très poétique inspiré de Lewis Caroll  en ces lieux étranges, quasi imaginaires si l’ont se dit que là, un imaginaire parfaitement leurrant a plus de force que la réalité, lui fait ainsi découvrir des personnages qui seraient drôles s’ils n’étaient pas mus par des injonctions qu’en d’autres temps on aurait qualifiées de fascisantes, à tout le moins très autoritaires : les personnages de La Reine Elisabeth de Bonté et du Prince Henri de la Mère Aimée, grands maîtres de l’Ordre du Comité des Normes Unifiées. Accompagnés de perroquets et autres valets de pied, ils règnent sur un tout petit mode, lequel pourtant métaphoriquement ressemble tant à notre monde réel, « monde où les rois se prennent pour des rois » quand l’injonction du Même gouverne tous les choix, quand les institutions laissent monter en elles-mêmes la pensée unique et le dogmatisme alliés de l’intérêt individuel  et des pouvoirs, dans les harcèlements et lâchetés quotidiennes. Et ceci est loin de ne concerner que l’I.C. de Paris. Là le Roi 23, qui « porte sa couronne dessus sa perruque » est servi par Le Chapelier de la Vérité,  il symbolise l’alliance du Trône et de l’Autel et a besoin de juges obéissants pour émettre des verdicts dont l’exécution est connue d’avance. Tout l’oppose en effet à Alice qui elle a pu, au prix d’un long et pénible travail sur elle-même,  sortir de modèles qui entretiennent l’enfant dans son enfance (infans). Et l’originalité de ce parcours quasi initiatique au pays des épreuve subies par l’auteure est bien de nous montrer à quel point nombre d’adultes faits s’accordent à s’entretenir dans cet état infantile. Au bout du compte, la démission contrainte, que nous avons pu également observer ces dernières années en d’autres terres occidentales de la même institution,  est bien, comme l’écrit l’auteur « le salaire de la peur ». Reste à savoir dans quel camp se trouve la peur…

 

Et Alice débouche sur un constat à valeur plus universelle : « elle sait aujourd’hui que la culture de l’entre soi n’est pas une marque déposée. Mais elle sait aussi qu’elle n’a qu’un geste à faire pour que le cliquetis des tasses devienne tintement de l’altérité, les vociférations aigues de la Reine, cris portés de l’opprimé, l’éternuement du bébé, souffle bruissant de la vie donnée et reçue : allumer sa langue de poche… ».

 

Un conte magnifique à lire et à méditer pour se mieux armer…

 

Georges Bertin.

 

 

 

 

 

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